5 arguments du film The Game Changers remis en question

Le film The Game Changers sorti sur Netflix en 2019 met en scène un ancien athlète et champion de Mixed Martial Arts (MMA) également entraîneur des forces spéciales qui, après une blessure, a choisi de devenir végane et, pour lequel, sa nouvelle alimentation l’aiderait à performer.

 

Produit par James Cameron et accompagné par Jackie Chan, Arnold Schwarzenegger, Lewis Hamilton ou encore Novak Djokovic, The Game Changers a divisé un peu plus encore les véganes qui le considèrent comme une bible et les mangeurs de viande qui le qualifient de propagande. Fort de sources et de témoignages, plus personne ne sait quoi penser. Alors, en restant neutre, analysons 5 arguments avancés.

 

Note : L’auteur de cet article n’est ni végane ni anti-végane. Le combat pour la cause animale est une réalité à laquelle nous devons tous être confrontés. Par ailleurs, il est clair que manger plus de végétaux (légumes, fruits, graines) peut être bénéfique pour chacun d’entre nous.

Chaque régime alimentaire doit être respecté, n’y trouvez donc aucun jugement !

Le problème du contexte

Verdient Foods® est une entreprise spécialisée dans la fabrication de protéines de pois. En 2018, cette entreprise a reçu un investissement de $140 millions de la part de ses fondateurs pour le développement de l’utilisation des protéines de pois dans l’industrie. Jusqu’ici où est le problème, me direz-vous ? Eh bien, les fondateurs de Verdient Foods® ne sont ni plus ni moins que James Cameron et sa femme. Ceci laisse déjà présager un conflit d’intérêt pour quelqu’un prônant l’importance d’oublier l’alimentation carnée au profit d’une alimentation végétale.

 

Un second élément nécessite une mise au point : le détournement de sources et d’articles scientifiques. Si, en effet, il paraît important de démontrer ce que l’on avance grâce à des preuves officielles, il est très facile de détourner la science. Laissez-moi expliquer cela.
Le film The Game Changers met en avant plusieurs articles scientifiques pour justifier son propos. Le premier problème c’est que l’on ne rentre jamais dans le détail de ces articles (or il est primordial de s’intéresser entre autres aux protocoles, aux différents tests et au nombre de participants) et que ce film met en avant généralement des ”études transversales épidémiologiques” qui sont des études dont la qualité est relativement basse. Par ailleurs, de nombreuses études se sont retrouvées détournées de leur contexte. Par exemple, ce film décrit plusieurs fois les bénéfices d’une alimentation végétalienne en s’appuyant sur des recherches étudiant l’alimentation végétarienne[1].

 

Des personnes fortes et véganes/végétariennes

Argument n°1 : Les gladiateurs étaient végétariens

L’un des arguments évoqués est que “les gladiateurs étaient végétariens ou végétaliens grâce à une analyse de la composition d’os retrouvés”. Ici l’argument laisse à désirer, déjà du fait que gladiateur ne veut pas dire performance. Par ailleurs, il est bon de savoir que les gladiateurs étaient pour nombre d’entre eux des esclaves, des prisonniers de guerre ou des criminels, donc des personnes n’ayant pas forcément accès à une nourriture riche et carnée. Mais surtout, les chercheurs à l’origine des recherches en question affirment que les méthodes d’analyse des os ont des limitations, que la composition des os change dans le temps et que les os issus du cimetière des gladiateurs en question avaient certains marqueurs de consommation de produits animaliers. La conclusion de cette étude est d’ailleurs que ce groupe de gladiateurs était très hétérogène avec des régimes alimentaires variés. Les gladiateurs n’étaient donc, peut-être, pas tous végétariens.

 

Enfin, même si dans l’imaginaire collectif, nous pensons à des gladiateurs secs et musclés, en réalité, ces derniers avaient beaucoup de tissus adipeux car cela leur permettait de protéger leurs organes lors des combats.

 

Argument n°2 : des athlètes tous performants et végétaliens ou végétariens

Le film met en avant beaucoup d’athlètes véganes ou végétariens afin de montrer qu’il est possible d’être performant sans nécessairement consommer de la viande. En soit, l’approche est plutôt honnête et il est important, il me semble, de pouvoir montrer qu’il n’y a pas qu’un seul mode d’alimentation correct et universel mais qu’il est préférable de trouver la façon qui nous convient le mieux.

 

Cependant, le film tend à prétendre qu’ils sont meilleurs parce qu’ils sont véganes, comme s’il y avait un lien de causalité. Le fait est qu’il est aussi très facile de trouver tout un tas d’athlètes très performants qui consomment de la viande ou même qui ont tout un tas d’autres habitudes alimentaires autres que manger ou non de la viande.

 

Comme anecdote, le film compare deux stars des sports de combat : Conor McGregor pour incarner le carnivore et Nate Diaz qu’ils déclarent végane. Or, dans plusieurs interviews, Nate Diaz[2] déclare également manger des œufs et du poisson. En outre, le film met en avant le fait que Nate Diaz aurait gagné un combat contre Conor McGregor. Ce que le film ne dit pas c’est que McGregor a gagné le combat retour contre Nate Diaz, que McGregor est champion dans deux catégories de poids et était, lors du premier combat, 7 à 8 kg plus léger que Nate Diaz. Or, le poids est un facteur important dans les sports de combat, d’où les catégories de poids. Un dernier point non cité par le film concernant Nate Diaz est que ce dernier a été testé positif à un contrôle antidopage laissant penser qu’il n’a pas gagné seulement grâce aux graines de chia. D’ailleurs les graines de chia n’ont pas fait gagné Nate Diaz dans 10 de ses suivants combats à la suite de celui-ci, tous contre des mangeurs de viande, traîtresses de graines de chia !

 

Le film poursuit ses anecdotes avec Scott Jurek, un ultra-marathonien végane américain ayant réussi à finir le trail des Appalaches (3 515km quand même !) en un petit peu plus de 46 jours, soit l’équivalent de deux marathons par jour. Cependant, le film omet de préciser le fait que le record de Scott Jurek a été battu par un dentiste belge, Karel Sabbe, qui se nourrissait exclusivement de pizzas, de Burger King et de double Whoopers pour avoir un maximum de calories.

 

La question de l’apport en protéines

Le film affirme qu’il est possible d’avoir l’apport en protéine journalier recommandé grâce aux végétaux. Cela est bien évidemment vrai. Cependant, il est nécessaire d’apporter quelques précisions. Si, en effet, il est possible de couvrir son apport en protéines grâce aux protéines végétales, la qualité des protéines, elle, n’est pas équivalente. Car, au-delà de la quantité de protéines que nous ingérons, ce qui importe vraiment c’est la composition en acides aminés que les protéines contiennent qui va être important. Or, les protéines végétales sont plus faibles en BCAA et notamment en leucine (21% en moins en moyenne comparé aux aliments d’origine animale). Le problème c’est que c’est justement la leucine qui vient activer la synthèse protéique (i.e. la construction de muscle).

 

Deuxièmement, les alimentations végétale et animale n’ont pas la même digestibilité à cause des anti-nutriments que les végétaux ont développés avec le temps pour se défendre et éviter d’être consommés par nous-mêmes ou les animaux. Une mauvaise digestibilité vient diminuer l’assimilation des protéines de 10 à 40% en fonction des différents régimes alimentaires.

 

Résultat, il devient indispensable d’augmenter l’apport en protéines lorsque nous suivons un régime végétarien ou végétalien, pour compenser le déficit de leucine et la mauvaise digestibilité des aliments végétaux. Ceci implique de multiplier par trois l’apport global en protéines ce qui n’est pas forcément réalisable car le total calorique serait alors bien trop haut, le volume alimentaire fait que pour beaucoup il serait impossible de manger autant et finalement la dose de fibres vous enverrait toute la journée au toilettes avec en prime de jolis petits maux de ventre (c’est là où une supplémentation en protéine de pois ou de riz deviendrait intéressante… Tiens c’est marrant, James Cameron vend quoi déjà ?).

 

D’ailleurs ces propos sont appuyés par une étude scientifique menée en 1999 par Campbell et al. dans laquelle des chercheurs ont comparé les différences de gains musculaires pour des régimes omnivores et végétariens avec une activité physique pendant 12 semaines. Eh bien, même pour un régime végétarien qui devrait comprendre des protéines d’origine animales, il s’avère qu’au bout des 12 semaines, alors que le groupe omnivore avait augmenté sa masse musculaire de quasiment 1kg, les végétariens avait perdu de la masse musculaire, avec un même total calorique et une même quantité de protéines. Ceci met bien en évidence le problème de la digestibilité et de la qualité des protéines végétales…

 

Et on n’a pas encore parlé de la carnitine, de la taurine et de la créatine, trois acides aminés retrouvés principalement dans les protéines d’origine animale et du zinc et du fer qui sont des éléments plus qu’intéressants lorsque l’on cherche à développer la masse musculaire et la force, mais vous avez compris l’idée.

 

Les animaux comme intermédiaires aux protéines

Le film continue en expliquant que les animaux sont des intermédiaires et que nous n’avons pas besoins d’eux pour avoir nos protéines, parce que nous pouvons les trouver directement dans les plantes. Pas bête, mais si nous poussons la logique jusqu’au bout, les protéines des plantes sont elles-mêmes créées grâce à des bactéries absorbant des molécules du sol et de l’air. Mais, dans ce cas-là, pourquoi ne consommerions-nous pas directement ces bactéries en mangeant de la terre et de l’air pour avoir directement nos protéines (on va créer un nouveau régime alimentaire avec ça, nous nous appellerons les “bacterreliens”). N’empêche qu’on aurait le remède contre la faim dans le monde !

 

L’expérience des burritos

Pas en manque d’idées, James Cameron fait manger des burritos à des sportifs afin de contrôler la qualité de leur sang à la suite du repas (c’est vrai que le régime burritos est connu des athlètes). Le burrito carné est chargé en lipides grâce à la viande et au fromage tandis le burrito végétal est constitué des haricots noirs.

 

Alors, il est vrai que si nous mangeons gras, le sang après un repas est plus épais (ce qui n’est pas nécessairement mauvais quand on parle de bonnes graisses) mais il paraît évident qu’en remplaçant le gras par un aliment non gras comme les haricots, cela n’aura pas le même impact. Si la viande et le fromage avaient été remplacés par des aliments gras comme des olives, des noix ou de l’huile végétale, il est fort à parier que le résultat aurait été un sang plus épais. Et oui, le corps ne fait pas la différence entre l’origine des aliments mais juste de ce qui les compose.

 

La coïncidence marrante mais omise, c’est que parmi les trois joueurs testés, le seul d’entre eux qui était végane s’est blessé et n’est pas passé pro… Mais cela ne veut pas dire que le régime alimentaire est en cause. Le film aime faire des constats faciles qui arrangent, voici comment en faire un.

 

Au sein du même passage, ils vous expliqueront que consommer un repas avec de la viande augmenterait votre risque d’inflammation. Pour justifier ceci, le film cite une étude où l’expérience consistait, pour un groupe, à lui faire manger un repas composé d’un hamburger classique et à un autre groupe, un repas composé d’un hamburger avec un supplément avocat, les deux contenant la même quantité de viande. Le résultat est que la groupe ayant eu le supplément d’avocat avait un taux d’inflammation plus bas. Ici, on montre que l’avocat aurait des effets bénéfiques, pas que la viande serait mauvaise…

 

Le problème d’utiliser des études scientifiques transversales

Une étude scientifique transversale est une étude d’observation. Le but est de demander à une personne si elle consomme de la viande et quelles sont ses maladies. On ne cherche ici aucun lien de causalité puisqu’en effet ces études ne vont pas étudier les habitudes de vie, ne vont pas dire si la personne est en surpoids, s’alimente globalement bien ou mal, a une activité physique, etc.

 

Le réel problème du film The Game Changers est qu’il détourne la plupart des études scientifiques qu’il utilise. Si, ici, nous n’avons parlé que de 5 arguments, en réalité la plupart peuvent être démontés. James Cameron reste un producteur d’exception et le film se révèle être d’une grande qualité. Il donne envie, peut-être même trop. C’est bien de sensibiliser, pas de mentir.

 

Ce qui est en fait dommage, c’est qu’au lieu de justifier l’intérêt de manger plus de fruits et de légumes et de sensibiliser à la condition animale, ce film tente de convertir malhonnêtement au végétalisme.

 

En effet, s’il est souvent possible de mieux gérer sa consommation en protéines d’origine animale en la complétant notamment par des protéines végétales. Et si les bénéfices à consommer plus de fruits et de légumes sont indéniables, le réalisateur tente davantage de vous suggérer ses produits plutôt que de prendre soin de votre santé.

 

Sources :
Vegan News, Plant Based Living, Food, Health & more. (2019). James Cameron’s Company Joins $140 Million Drive To Create Vegan Protein. [online] Available at: https://www.plantbasednews.org/news/james-camerons-140-million-drive-create-vegan-protein

 

WIRE, B. (2019). Avatar Director James Cameron Invests in Verdient Foods and Canadian Organic Farming Industry. [online] Businesswire.com. Available at: https://www.businesswire.com/news/home/20170928005717/en/Avatar-Director-James-Cameron-Invests-Verdient-Foods

 

Incorporated, I. (2019). INGREDION INVESTS $140 MILLION TO ACCELERATE GROWTH IN PLANT-BASED PROTEINS. [online] GlobeNewswire News Room. Available at: https://www.globenewswire.com/news-release/2018/12/13/1666706/0/en/INGREDION-INVESTS-140-MILLION-TO-ACCELERATE-GROWTH-IN-PLANT-BASED-PROTEINS.html

 

Colleges.ac-rouen.fr. (2019). gladiateurs. [online] Available at: http://colleges.ac-rouen.fr/salmona/latin/marco/les_gladiateurs.htm

 

BBC Sport. (2019). UFC 244: Nate Diaz cleared over doping test. [online] Available at: https://www.bbc.com/sport/mixed-martial-arts/50192006

 

Runner’s World. (2019). Belgian Dentist Breaks Appalachian Trail Speed Record. [online] Available at: https://www.runnersworld.com/news/a22865359/karel-sabbe-breaks-appalachian-trail-speed-record/

 

Miles, K. (2019). This Man Is Racing Toward a New FKT on the Appalachian Trail. [online] Outside Online. Available at: https://www.outsideonline.com/2338116/karel-sabbe-appalachian-trail-fkt

 

Rueda-Clausen, C., Silva, F., Lindarte, M., Villa-Roel, C., Gomez, E., Gutierrez, R., Cure-Cure, C. and López-Jaramillo, P. (2007). Olive, soybean and palm oils intake have a similar acute detrimental effect over the endothelial function in healthy young subjects. Nutrition, Metabolism and Cardiovascular Diseases, 17(1), pp.50-57.

 

Joy, J., Lowery, R., Wilson, J., Purpura, M., De Souza, E., Wilson, S., Kalman, D., Dudeck, J. and Jäger, R. (2013). The effects of 8 weeks of whey or rice protein supplementation on body composition and exercise performance. Nutrition Journal, 12(1).

 

Rosado, J., Lopez, P., Morales, M., Munoz, E. and Allen, L. (1992). Bioavailability of energy, nitrogen, fat, zinc, iron and calcium from rural and urban mexican diets. British Journal of Nutrition, 68(1), pp.45-58.

 

Rueda-Clausen, C., Silva, F., Lindarte, M., Villa-Roel, C., Gomez, E., Gutierrez, R., Cure-Cure, C. and López-Jaramillo, P. (2007). Olive, soybean and palm oils intake have a similar acute detrimental effect over the endothelial function in healthy young subjects. Nutrition, Metabolism and Cardiovascular Diseases, 17(1), pp.50-57.

 

Illustration :
L’image d’illustration peut être enlevées si les détenteurs des droits le désirent
Vegan Magazine. (2019). The Game Changers, le film vegan de l’année, arrive sur Netflix. [online] Available at: https://veganmagazine.fr/culture/divertissement/08-10-2019-the-game-changers-le-film-vegan-de-lannee-arrive-sur-netflix/ [Accessed 6 Dec. 2019].

 

[1] Les végétariens ne mangent pas de poisson, ni de viande mais continuent de consommer des œufs et du lait. Les végétaliens en revanche, ne consomment aucun aliment issu de l’exploitation animalière (viande, poisson, œufs, lait, miel, etc…)

 

[2] https://www.youtube.com/watch?v=02M39kqWheo

 

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